« Bon il paraît maintenant qu’il faut enseigner explicitement les comportements maintenant. On s’y prend comment ? »
Oui, la gestion dite « efficace et explicite de la classe » populaire depuis des décennies en Amérique du Nord a traversé l’Atlantique, grâce notamment à la publication de l'ouvrage en Français de Steve Bissonnette, Clermont Gauthier et Mireille Castonguay.
Ce livre a diffusé les principes de ce mode de gestion des comportements en France. J’écrirai bientôt un post plus général sur cette question. Ce livre est écrit pour des enseignants ; il articule des résultats de recherche sur la question de la gestion des comportements, je t’en recommande la lecture.
Bref, en tous cas, ce n’est pas simple de gérer les comportements en classe, probablement moins simple qu’il y a une trentaine d’année pour des raisons que nous ne détaillerons pas ici.
Ce que je te propose dans ce post est de te présenter une situation à effectuer en début d’année à tes classes. L’idée est de s'accorder avec les élèves sur quelques comportements attendus essentiels en classe et de les justifier. La situation s’inspire du livre « Réussir ses premiers cours » de Jean-Michel Zakhartchouk que je te recommande également :
Au coeur de la situation, un tableau à compléter en classe avec les élèves. Le tableau du livre de Jean-Michel Zakhartchouck comprend deux colonnes « Comportement à éviter » / « Comportement attendu ». Nous en avons ajouté une troisième : « Justification du comportement attendu ».
Ci-dessous quelques lignes en exemple du tableau complété en classe avec les élèves :
Pour la fiche d'activité, clique sur ce lien : https://www.mathscours.com/espace-enseignants. Tu trouveras la fiche de préparation de cette situation dans la rubrique "Formation Gestion de classe".
« Heu, j’ai des élèves aussi, tu veux me faire croire qu’une petite situation de début d’année permet de gérer sa classe ? »
Non, il n’y a pas de recette miracle, ça se saurait ! Mais elle permet de discuter et de légitimer le système d’interventions préventives et correctives en matière de gestion des comportements que tu vas mettre en œuvre par la suite.
Je te propose trois points pour ce post :
Par quoi commencer quand on veut enseigner explicitement les comportements attendus ?
Comment justifier les comportements attendus auprès des élèves ?
Déroulé de séance
1. Par quoi commencer quand on veut mettre en œuvre un enseignement explicite des comportements attendus ?
Il s’agit d’une situation d’introduction à une séquence d’enseignement explicite des comportements attendus dans la classe. Elle poursuit deux objectifs :
· s’accorder avec sa classe sur un petit nombre de comportements attendus en classe ;
· légitimer le comportement attendu à l’aide de valeurs partagées dans la classe avec les élèves.
Dans le meilleur des cas, c’est un travail d’équipe : cette situation est mise en œuvre par le professeur principal, et les comportements attendus sont alors partagés par l’équipe d’enseignants de la classe. Cette liste de comportements attendus ne correspond alors plus aux comportements attendus de la classe de M. Machin, mais bien de celles de l’ensemble des enseignants. La responsabilité des règles est donc partagée. Si ce n’est pas le fruit d’un travail d’équipe, elle peut constituer le premier cours de n’importe quel enseignant.
Le tableau complété à l’issue de la situation gagne à être affiché dans les salles de classe des élèves. Pointer du doigt un affichage pour arrêter un écart de conduite lors d’un cours est pratique et permet d’éviter d’interrompre le cours. Tu pourras choisir soit de n’afficher que la colonne des comportements attendus, soit d’afficher deux ou trois colonnes. Ensuite, il y a d’autres étapes pour enseigner explicitement les comportements, mais ça, ce sera pour un autre post !
« D'accord, mais on n’est pas en début d’année, je vais la faire demain avec ma 3eC, ils sont vraiment agités. »
Je ne te le conseille pas, à moins que tu veilles perdre une heure de cours… Mettre en œuvre cette situation en cours d’année pour régler des problèmes de cours perturbés ne fonctionne pas. Les élèves joueront dans ce cas avec les comportements attendus ; la discussion n’aura pas de valeurs et ne permettra pas de débuter un enseignement explicite des comportements attendus. Elle peut tout de même être mise en œuvre en cours d’année dans des cas précis. Si une classe dysfonctionne, il est possible d’accueillir un tiers qui fait autorité (professeur principal, CPE, principal adjoint, principal) et de mener la situation avec ce tiers. Mais attention, malgré la présence d’un autre adulte, tu devras mener cette séance de bout en bout. Ce n’est surtout pas au tiers de le faire, si tu souhaites éviter que les élèves perçoivent sa présence comme une incapacité de ta par à gérer tes classes.
« Mais si la classe est pénible avec tous les profs ou presque ? »
Une autre modalité de mise en œuvre est de faire vivre cette situation sur une heure de vie de classe avec une partie de l’équipe pédagogique prête à partager ses comportements attendus.
« Bon pourquoi pas… Mais ça fait longtemps qu’ils sont à l’école, ils connaissent par cœur les comportements attendus, ils vont les réciter bêtement, sans y réfléchir. »
C'est vrai qu'ils connaissent par cœur une bonne partie des comportements attendus, mais tu peux avoir des surprises avec certains. En tous cas, à exception près, tu n’as pas tort : les élèves énonceront les comportements attendus sans trop de difficultés. S’arrêter à leur énonciation peut conférer alors un caractère litanique aux interventions d’élèves et laisser un goût d’inachevé à cette situation. La véritable discussion porte en fait sur les raisons que la classe a d’adopter les comportements attendus en classe. Cette discussion est alors l’occasion pour l’enseignant de s’accorder avec ses élèves sur un certain nombre de valeurs que sa classe et lui partageront.
« Heu, les valeurs à partager c’est quoi ? Le respect, la responsabilité... ? »
2. Comment justifier les comportements attendus auprès des élèves ?
C’est une question que tu dois te poser, mais les valeurs que tu cites sont des grandes catégories. À mon avis, elles ne sont pas suffisamment ancrées dans des situations de classe concrètes pour que les élèves s’en saisissent. Pour le concept de valeur, je me fie à son explication proposée dans le livre d’Olivier Reboul « Les valeurs de l’éducation. »
« Ah bon ? mais pourtant, le respect et la responsabilité sont des valeurs très présentes dans le livre L’enseignement explicite des comportements. C’est quand même le livre que tu as recommandé tout à l’heure ? »
Pas besoin d’être en accord avec chaque ligne d’un livre pour le recommander, hein ! Il me semble que son utilisation des valeurs est une traduction d’un trait de la culture scolaire publique états-unienne. Cette utilisation des valeurs n’est d’ailleurs pas fondée par des résultats de recherches, contrairement à bien d’autres éléments du livre. Les établissements publics aux États-Unis sont censés choisir deux ou trois valeurs cardinales, puis tous les comportements attendus sont déclinés à partir de ces valeurs. Je me permets donc de proposer une autre voie : partir des comportements attendus avec les élèves et les justifier à travers des valeurs de la salle de classe.
« Valeurs de la salle de classe, mais tu entends quoi par-là ? »
Des choses bien simples, mais qui parlent concrètement aux élèves… Je crois qu’il est utile de partager avec les élèves des valeurs spécifiques aux missions de l’enseignant dans sa classe. C’est pour ces missions que l’institution, les élèves et les parents nous reconnaissent comme éducateurs. Et la mission première d’un enseignant est de faire progresser tous les élèves de ses classes dans sa ou ses disciplines. C’est en soi une valeur dont le principe n’est d’expérience pas remis en cause par des élèves, contrairement à l’affirmation d’autres valeurs éducatives plus générales, même si elles n’en sont pas moins fondamentales. C’est pourquoi nous avons choisi dans l’exemple ci-dessous de socler les comportements attendus en classe à la poursuite de la valeur suivante : respecter les conditions d’apprentissage et de progrès de chacun des élèves de la classe. Et ce progrès de chaque élève requiert de la coopération entre élèves et du respect des conditions d’apprentissage des autres ; ce qui implique pour les élèves de se taire à bien des moments pour que chacun aient la possibilité de comprendre, d’attendre calmement que des feuilles soient distribuées, de ne pas donner automatiquement sa réponse même si on en est fier, de ne pas commenter à voix haute ce que l’on entend, de ne pas s’agiter quand l’enseignant explique quelque chose à des élèves, etc. Par ailleurs, « faire progresser chacun de nos élèves » n’est souvent pas considéré par nos élèves qui éprouvent des difficultés à l’école comme notre mission d’enseignant – Malheureusement ! Il est toujours bon de le réaffirmer, même s’il s’agit de le prouver en-acte !
« Ok, mais ça marche ton truc ? »
Cette situation est une première phase d’un enseignement explicite des comportements attendus. Pour être efficace, elle doit s’articuler avec tout un ensemble d’interventions préventives et d’interventions correctives en matière de gestion des comportements. La mener n’empêchera pas les règles d’être enfreintes ; en revanche, on peut espérer qu’elle convainque les élèves du bienfondé des attendus comportementaux en les légitimant à leurs yeux. Bref, si tu crois que mettre en œuvre cette situation t’épargneras toute perturbation, tu seras déçu !
Je te propose ci-dessous un déroulé de séance.
3. Déroulé de séance
Préparation
· Dresser un tableau à trois colonnes. Dans la première colonne, écrire quelques comportements à éviter. Plus les élèves sont jeunes, moins il en faut afin d’éviter d’étirer la situation. D’expérience, 5 comportements à éviter rend la situation déjà longue en 6e et en 5e. Les colonnes « Comportement attendu » et « Justification » seront complétées avec les élèves. Il s’agit tout de même pour l’enseignant d’avoir préparé en amont ce qu’il apprécierait d’y lire, notamment pour trouver en amont des éléments de langage adaptés au niveau de classe qui expriment les justifications des comportements attendus. Il est possible de laisser des lignes vides en fin de tableau si des élèves tiennent à ajouter un comportement à éviter pertinent.
· Le tableau est distribué à chaque élève de la classe. Il est collé dans le cahier et conservé dans le classeur. Ce tableau (ou seulement de la colonne « Comportement attendu ») gagne à être affiché en classe.
Mise en œuvre
La mise en commun se fait ligne après ligne, juste après que les élèves aient complété une ligne, de sorte que l’ensemble des élèves aient l’occasion de se saisir du principe de la situation en l’effectuant.
Consigne de l’enseignant
« J’ai écrit dans la colonne « Comportement à éviter » quelques comportements qui m’agacent en classe. Pourquoi ils m’agacent, parce qu’ils empêchent la classe de progresser comme elle devrait. Par leur faute, vous n’êtes pas aussi intelligents en [matière] que vous devriez l’être à la fin de l’heure. Je vous propose d’écrire au crayon à papier dans la colonne « Comportement attendu » le comportement attendu correspondant au comportement à éviter. Ce comportement attendu doit permettre de bien apprendre tous ensemble. Comme vous proposez un comportement attendu, vous écrirez dans la colonne de droite « Justification du comportement attendu » pourquoi il est essentiel de l’adopter en cours. »
Mises en commun
Accepter le débat, il en ressortira que les comportements à éviter sont humains et qu’ils ne sont peut-être pas à éviter dans d’autres lieux que la salle de classe. Même les adultes les adoptent, mais on peut quand même essayer de les dépasser.
Le tableau complété au stylo doit être le fruit d’un consensus de classe, sur le fond comme sur les formulations. Le texte doit être le même dans tous les tableaux des élèves, c’est un engagement collectif de la classe.
Si l’on s’en sent capable, la situation peut déboucher sur une autre discussion au sujet des comportements attendus de l’enseignant :
« Qu’est-ce qui vous motive ? », « quelles sont les attitudes du professeur bénéfiques à votre apprentissage ? »
À partir de cette discussion, on pourrait remarquer que les comportements à éviter ont leur pendant côté enseignant. Par exemple :
- Comparaison des élèves entre eux négative pour la progression des élèves ;
- Tableau et documents peu lisibles et mal organisés ;
- La précipitation qui empêche empêche d’apprendre convenablement.
N.d.A. : Je ne le précise pas à chaque fois pour ne pas alourdir la rédaction, mais ce n'est que mon avis, hein...
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